La loi SRU du 13 décembre 2000 a instauré un délai de réflexion, ou de rétractation, au profit de l'acquéreur non professionnel d'un bien immobilier à usage d'habitation. Il est régi par les articles L. 271-1 et suivants du Code de la construction et de l'habitation.
Ce délai a été mis en place pour permettre à une personne ayant fait un achat compulsif, non réfléchi, de faire marche arrière. Initialement de 7 jours, ce délai a été porté à 10 jours par la loi Macron du 7 août 2015 (entrée en vigueur sur ce point le 8 août 2015). Voici ce qu'il faut savoir sur ce dispositif.
Délai de rétractation d'un compromis de vente: actes, objets et personnes concernées
Tout acquéreur non professionnel d'un bien immobilier à usage d'habitation bénéficie de ce délai de réflexion ou rétractation. Attention, Il ne s'adresse qu'à l'acquéreur, non au vendeur.
Bon à savoir : si le délai de rétractation n'est pas purgé, l’acquéreur pourra demander à tout moment l'ouverture de ce délai, ce qui fera courir un gros risque au vendeur (de voir l'acquéreur se rétracter après des mois d’immobilisation du bien).
Actes concernés
Le délai de rétractation est ouvert à l'occasion de la signature d'un avant-contrat (promesse de vente, compromis, offre d'achat) qu'il soit réalisé en la forme authentique (notariée) ou sous seing privé.
En l'absence d’avant-contrat, c'est-à-dire lorsque l'on signe directement le contrat définitif, un délai de réflexion est ouvert avant la signature.
Les principaux actes concernés sont le suivants :
- vente ;
- souscription de parts donnant vocation à une attribution en jouissance ou en propriété ;
- vente d'immeubles à construire ;
- location-accession ;
- échange avec soulte ;
- cession de parts de société donnant vocation à une attribution en jouissance ou en propriété d'un immeuble d'habitation.
Biens concernés
L'acte doit porter sur un immeuble à usage d'habitation. Le délai de rétractation devra également être purgé lorsque l'immeuble, bien qu'ayant une autre destination au jour de l'acte, est « destiné » par l'acquéreur à être à usage d'habitation. Il en est de même d'un bien à usage mixte (professionnel et d’habitation).
Cette protection est également ouverte à l'acquéreur d'un terrain dans un lotissement. La loi ne prévoyant pas expressément le cas d'un terrain isolé, il semble que le délai de rétractation ne s'applique pas à l'acquisition d'un terrain hors lotissement.
Acquéreurs concernés
La loi veut protéger les acquéreurs non professionnels. Le délai de rétractation ne s'appliquera donc pas à un marchand de biens, sauf s'il effectue l'acquisition à titre personnel.
Les personnes morales se voient également appliquer ce délai de rétractation, à moins que leur objet consiste à acquérir des biens immobiliers.
Fonctionnement du délai de rétractation d'un compromis de vente
La rétractation éventuelle de l'acquéreur ne peut avoir lieu que dans un certain délai, qui court à compter de la notification à l'acquéreur.
Important : sous peine d'amende, l'acte doit indiquer de manière lisible et compréhensible les informations relatives aux conditions et aux modalités d'exercice de ce droit de rétractation (article 78 de la loi Élan n° 2018-1021 du 23 novembre 2018).
Notification
La notification de l'avant-contrat ou du projet d'acte définitif (en l'absence d’avant-contrat) doit être faite « par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise ».
Exemple : exploit d'huissier ou remise en main propre contre récépissé, effectuée par un notaire (en sa qualité d'officier public).
Peu importe la qualité de l'expéditeur de la lettre (notaire, vendeur, agent immobilier, etc.).
Important : pour être valable, la notification doit être adressée à chacun des acquéreurs. Surtout, elle doit être reçue par chacun des acquéreurs. Si l'un des époux signe l'accusé de réception à la place de son conjoint, la notification n'est pas valable. Le délai de rétractation ne peut donc courir et la faculté de rétractation de l'acquéreur reste entière… jusqu'à ce qu'une nouvelle notification soit faite ! (arrêt de la Cour de cassation du 10 mars 2016.)
Cette notification doit contenir :
- copie de l'acte signé, ou du projet de contrat ;
- énoncé des articles L. 271-1 et L. 271-2 du Code de la construction et de l'habitation ;
- élection de domicile du vendeur (pour permettre l'exercice de la rétractation éventuelle).
Remarque : en cas de modification substantielle du contrat entre la promesse et la vente, c'est-à-dire de modifications qui pourraient être déterminantes du consentement de l'acquéreur, ou qui aggraveraient ses obligations, il conviendra de purger à nouveau le délai de rétractation. Une nouvelle notification ouvrira un nouveau délai de 10 jours… et un risque supplémentaire pour le vendeur de ne pas voir la vente être signée.
À noter : il n’est pas nécessaire que la promesse de vente soit notifiée avec une lettre d’accompagnement pour être valable. Par conséquent, le futur acquéreur ne peut pas se fonder sur l’absence de lettre d’accompagnement pour considérer que la notification de la promesse de vente est irrégulière et que le délai de rétractation ne court pas (Cass. 3e civ., 9 juillet 2020, n° 19-18.943).
Délai
Le délai de 10 jours ne court qu 'à compter du lendemain de la première présentation de la lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, ou de la remise en main propre.
Bon à savoir : il s’agit bien de la première présentation de la lettre recommandée et non de sa réception : si l’acheteur ne va pas chercher la lettre recommandée lui notifiant l’avant-contrat, le délai de rétractation court quand même (Cass. 1re civ., 14 février 2018, n° 17-10.514).
Ce délai expire le dixième jour à minuit. Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé sera prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.
Pendant ce délai et sous peine d'une amende de 30 000 €, aucun versement ne peut être exigé de l'acquéreur. Par exception, « un versement peut être reçu de l’acquéreur s’il est effectué entre les mains d’un professionnel disposant d’une garantie financière affectée au remboursement des fonds déposés ».
Rétractation et ses conséquences
L'acquéreur peut se rétracter de manière discrétionnaire. On ne peut exiger de lui aucune motivation ou justification. L’acquéreur pourra faire connaître son intention par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (envoyée avant l'expiration du délai), ou encore par exploit d’huissier ou d’une remise de la main à la main contre récépissé avant l'expiration du délai.
Dans le cas d'un achat en indivision, ou par un couple marié, chaque acquéreur a le droit de se rétracter. Dans ce cas, l'exercice du droit de rétractation par l'un des coacquéreurs vaut rétractation pour l'ensemble des coacquéreurs. À ce titre, les vendeurs n'ont pas la possibilité de demander le paiement de la clause pénale au motif que l'un des coacquéreurs ne s'est pas rétracté (Cass. 3e civ., 14 septembre 2017, n° 16-17.856).
Bon à savoir : aucune sanction ou contrepartie pécuniaire ne pourra être prévue, et les fonds éventuellement versés devront être remboursés à l'acquéreur dans un délai de 21 jours.
Pour en savoir plus :
- Zoom sur le compromis de vente.
- Achat d'immeuble en SCI : rétraction ou pas ? Un point à clarifier avec l'aide de nos experts.
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